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Fake news, fake journalist

Quand j’ai commencé à travailler à l’Agence France Presse (AFP), j’ai dévoré le Manuel de l’Agencier, le mode d’emploi photocopié et relié qui détaillait les règles d’écriture d’une dépêche. Tout y était décrit, de la typographie au processus de vérification d’une information. C’était notre bible. Un condensé de ce qui fait de journaliste un métier.

Ce n’est pas une histoire de diplôme ni de carte de presse. Ce n’est pas un influenceur, ni un blogueur, ni un communicant, ni un concepteur-rédacteur, ni un fabricant de contenu, ni un rédacteur de brochure (même s’il peut à l’occasion endosser ces rôles-là).

En prenant le processus à l’envers, ce Manuel de l’Agencier serait un formidable outil à désamorcer les Fake News, autrement dit, de la propagande, dont ma définition est : une fable avec des morceaux de faits dedans destinée à tromper.

Les Fake News, c’est de la propagande déguisée en journalisme dont elle travestit les méthodes tout en s’en revendiquant.

La détection des Fake News est donc un excellent moyen de comprendre l’utilité des méthodes du journaliste… Le sujet nous concerne au quotidien dans le torrent des réseaux sociaux. Pour notre salubrité intellectuelle, il est bon de revenir aux bases de ce qui constitue le travail de journaliste et de s’en inspirer dans son propre travail de storytelling.

Nebula, pour sortir de la nébuleuse

C’est précisément ce que proposent les malicieux italiens de Sefirot, petite maison d’édition de jeux de cartes permettant de visualiser un processus de construction d’un discours ou d’une histoire. Aussi simple qu’efficace ! Les cartes permettent de déconstruire une structure comme on étalerait les pièces d’un moteur de voiture sur le sol. On comprend mieux la mécanique interne.

Leur dernière production, appelée Nebula, est disponible gratuitement ici (allez-y, faites-vous plaisir) et propose un processus pour déminer, détecter et comprendre les Fake News.

Prendre le temps de lire et de comprendre

Comment ça marche ? Il y a trois séries de cartes. La première nous propose de détecter les 9 symptômes d’une Fake News, symptômes qui doivent allumer les alarmes dans notre tête de lecteur.

Il s’agit d’identifier comment la news nous est parvenue (passivement, c’est-à-dire qu’elle nous a été mise sous les yeux, ou activement, c’est-à-dire que nous l’avons cherchée), quelle est l’émotion générée à la lecture, un excès de détails ou, à l’inverse, un manque… etc.

Vérifier l’information

Une fois les symptômes identifiés, on peut passer à la phase de vérification, c’est la deuxième série de cartes. Elles permettent, utilisée dans un ordre défini, de confirmer ou

infirmer les soupçons levés avec la première série de cartes.
Les symptômes nous ont alerté, cette phase de vérification permet de nous faire un avis.

Identifier la source et ses motivations

La troisième et dernière étape permet d’analyser la Fake News :
Qui est le créateur du message ?
Quel but poursuit-t-il : politique, économique, de notoriété ?

Quelles sont les techniques utilisées pour écrire le message ?
Quel est le médium utilisé pour la propagation du message ?
Et enfin : qui est le récepteur visé par cet article ?

Cultiver un esprit critique

On retient de Nebula quelques conseils de bon sens pour éviter de diffuser par précipitation ou inadvertance une information toxique capable de contaminer un autre cerveau.

Nebula nous aide à mieux écrire, un guide de travail avec comme finalité de nous astreindre à conserver un esprit critique sur ce qu’on nous raconte. Et ça, c’est applicable à toute démarche de storytelling.

On a à apprendre du journalisme, y compris dans le brand content, « une information emballée dans une émotion ».

Texte : Guillaume Desmurs

Images : Nebula, Sefirot.it