Murmure imagine et fabrique des récits de marque

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Author: Guillaume Desmurs

Les six principes du storytelling

Le storytelling, est un magnifique mot fourre-tout que vous entendez à peu près douze fois par jour. Même votre concierge s’y met. C’est bien simple : on ne peut plus rien raconter sans que ce soit du storytelling. Définition : « le fait de raconter une histoire à des fins de communication. Le storytelling consiste donc à utiliser une histoire plutôt qu’à mettre classiquement en avant des arguments marque ou produit. La technique du storytelling doit normalement permettre de capter l’attention et de susciter l’émotion » (explique le site definitions-marketing.com).

Storytelling… D’un côté, ce n’est que la modernisation sémantique de la bonne vieille capacité à raconter des histoires. De l’autre, c’est un ensemble d’outils marketing extrêmement efficaces pour fabriquer de toute pièce une réalité, un athlète, un évènement. Le storytelling est même devenu la solution à tous les problèmes de communication. Il suffit de rajouter « avec de l’humain » et « authentique », et vous avez la recette magique pour plaire aux services marketing.

Le storytelling s’apparente souvent, certes, à du gavage d’oie, le foie farcit d’émotions… Mais avaler ces émotions packagées, ces regards intenses et ridés de vrais skieurs, de champions… ça vous donne des indigestions. Encore une fois, ce n’est pas la sincérité du discours qui est à remettre en cause, c’est la façon dont on nous le package en bouchées pré-emballées, avec quatre accords mineurs.

A l’inverse, sans storytelling, une aventure ou un exploit sportif n’existeraient pas. « La fiction est une nécessité », disait fort justement l’écrivain G. Chesterton. Les sports et les aventures n’existent pas sans storytelling : les athlètes doivent dorénavant préparer leurs exploits en emmenant une équipe de production d’image (c’est ce qu’à fait Ernest Shackleton pour le plus grand bien de sa postérité) et penser « réseaux sociaux », où le storytelling s’exprime en mode intime. Le storytelling doit vous rendre unique en faisant vibrer la corde du vrai.

« Le storytelling, c’est aussi la certitude de pouvoir raconter une histoire même si ça ne marche pas. C’est intéressant car le focus s’est détourné de la victoire à tout prix, celle qui permettait de justifier tout le reste, pour se concentrer sur l’aventure humaine avant tout. L’imaginaire est très fort dans nos sports et le storytelling met le doigt sur cela. On doit faire monter la pression, montrer les moments de doute, les bonnes comme les mauvaises surprises. Il y a, de la part du spectateur, un investissement émotionnel : tu peux aimer, détester les héros, mais en tout cas tu as un point de vue riche. Ce traitement des histoires permet de construire des légendes du sport parce que le spectateur les connait, les a approché de façon presque intime, comme êtres humains et pas seulement comme des athlètes », explique Mathieu Giraud, producteur des (excellents) films du snowboarder Xavier De Le Rue.

Nous pouvons tirer quelques règles d’or de ces réflexions :

1-Le storytelling libère de la tyrannie du succès. La victoire n’est plus une valeur en soi, c’est la cerise sur le gâteau. Le but n’est pas l’essentiel, c’est le chemin pour y parvenir qui compte. Le storytelling, dans sa capacité à générer des émotions, raconte l’histoire d’un individu, dans ses réussites et ses échecs, au plus près de la réalité de la vie. Comme vous et moi.

2-Le storytelling s’empare des émotions intimes du spectateur. Ou plutôt : les réveille. En serrant le cadre de l’image sur les yeux, en fouillant dans les pupilles à la recherche d’une émotion, le storytelling s’infiltre, déplace le discours de marque sur un terrain nouveau, une extension du domaine de la lutte publicitaire : l’émotion est une gâchette à actionner pour générer une inclination positive vis-à-vis de la marque et donc au bout de ce processus alchimique complexe : une décision d’achat.

3-Le storytelling est une méthode. Ce n’est pas de la magie, de marabout ni de poudre merveilleuse. Le storytelling s’apprend dans les scénarios de cinéma, il s’apprend dans les romans, il s’apprend en observant la façon dont sont construits les films. L’homme, depuis son plus jeune âge, vit d’histoires, se nourrit de récits, ce sont seulement les héros et les péripéties qui changent, pas la mécanique.

4-Le storytelling ne doit pas inventer. Il réorganise une histoire existante sous une forme plus compacte et plus efficace pour faire passer les messages-clés. L’histoire doit donc être fidèle à l’état d’esprit de la marque ou de l’athlète, car le spectateur, très éduqué sur la question, repère immédiatement les entourloupes.

5-Le storytelling, c’est une question de choix. On ne peut raconter qu’une seule histoire à la fois. Pas deux. Pas trois. Pas quatre. N’essayez pas de tout dire dans votre histoire, repérez les éléments importants, concentrez-vous dessus. N’ayez pas peur de faire un choix.

6-Le storytelling, c’est facile… ou pas. Dites : « il était une fois… », et vous faites du storytelling sans le savoir. Jusque là, tout va bien. C’est ensuite que ça se complique. Alors, mesdames et messieurs, accrochez-vous aux accoudoirs, on va vous en racontez des histoires !

Poésie et brand content

Voilà deux mots qui ne vont pas bien ensemble. Leur juxtaposition contredit notre division culturelle bien ancrée entre une démarche purement créative et la mise à disposition de compétence d’écriture pour un besoin commercial. Et pourtant, la démarche poétique réside précisément dans la capacité à connecter et des mots qui n’ont rien à faire l’un avec l’autre. Et l’étincelle qui en surgit nous intéresse. Pourquoi le Brand Content, la créativité au service du marketing, en serait-il imperméable ?

L’un des premiers outils poétiques de la littérature est la métaphore (et la métonymie), c’est-à-dire la comparaison de deux choses différentes : « La pluie fouettait mon visage » (la pluie comparée à un fouet), « Un skieur aux spatules gourmandes de dénivelé » (vous comprenez l’idée). L’un des premiers exemples est apparu dans l’ancêtre du roman, les sagas islandaises, avec les kenningar.  La métaphore peut-être entrer dans notre quotidien, parfois sans s’en rendre compte et devient un cliché (ou stéréotype) : « voir le bout du tunnel ». Le principe du cliché est qu’on ne le questionne plus et qu’il devient, ainsi, un langage partagé, une formulation acceptée par défaut.

Or, la poésie cherche justement à éviter les clichés, à dépasser cette routine intellectuelle pour fabriquer de nouvelles images, une nouvelle vision avec des mots qui n’ont pas l’habitude d’être reliés. Quand je lis « La terre est bleue comme une orange » (Paul Eluard), je dois modifier mon référentiel, mes connections entre les choses, parce qu’une orange n’est pas bleue ! 

Tom Sharp est un créatif créant des campagnes basées sur du texte pour de grandes marques. Il est également poète. Pour lui « la poésie est un texte où le langage s’approche de la musique et qui ne peut être complété que par une conscience différente de celle de l’auteur » (« a piece of writing where language approaches the condition of music, and which can only be completed by a consciousness other than the writer »). Dans un texte poétique, il faut d’abord entrer, puis mobiliser son imagination pour se faufiler dans les fissures. On manipule les mots, on les cogne, on voit ce qui se passe… C’est un laboratoire dont le dernier mot est laissé au lecteur !

A l’inverse, l’écriture commerciale a une mission : transmettre une information claire et compréhensible, en direction d’une cible et au service d’une stratégie de marque… ce qui est, précise Tom Sharp, « une façon de communiquer pas naturelle et pourtant c’est ce que les gens attendent ». L’écriture poétique va flouter les contours, décaler le point de vue, attendre un effort, considérer sa cible comme un spect-acteur et pas seulement comme un passif observateur. L’écriture de brand content utilisant des méthodes poétiques impose, selon lui, « des abstractions, des sauts mentaux, des choses cachées, demandant au lecteur de s’impliquer dans l’histoire ».

Dans cette toute première version d’un manifesto (brouillon qui normalement reste dans les placards), j’ai traduis un texte écrit à l’origine par les créatifs d’une agence américaine pour la marque Rossignol. J’ai essayé de laisser pulser les failles, les sauts de ligne et les sauts d’imagination, de créer ces espaces à peupler par le lecteur, de lui laisser une possibilité d’entrer, trouver sa place, ressentir, sans imposer. 

Regardez cette publicité signée Jonathan Glazer (réalisateur des fascinants long-métrages Birth et Under the Skin). Par son mystère, par la nature de ses questions, par sa forme surprenante, c’est de la poésie, non ? C’est comme notre planète « bleue comme une orange », non ? 

Texte : Guillaume Desmurs

Prendre le temps

SEPTEMBRE 2040

Quand on regarde en arrière, il faut avouer que ces vingt dernières années, la montagne a bien continué sur la pente glissante. En vingt ans, elle a pris un sacré coup de vieux. Même nos Alpes, censées être des montagnes jeunes, se sont effritées, fragilisant les pylônes des remontées mécaniques, avalant des routes, dévastant des villages avec ses crues. Le ciel est fou… Et pas la peine de regarder dans le cœur des prunes ou des oignons pour prédire l’hiver : il n’y en a plus. A force de greenwashing, de prétendre que les dameuses à hydrogènes et les panneaux solaires sauveront la montagne, on a prétendu agir. Le Covid-19 ? Un prélude en catastrophe mineure. La suite, vous la connaissez. Le permafrost a foutu le camp et on ne pouvait rien y faire, on n’allait quand même pas poser des frigos dans la montagne ? Les plus grandes voies sont devenues impraticables, trop dangereuses, parfois elles ont tout simplement disparu. L’isotherme est remonté très haut, comme s‘il s’éloignait de la pollution des vallées. Certaines stations de ski ont fermé, et pas les plus petites, d’autres survivent difficilement. La conjonction d’évènements météorologiques radicaux et d’un effondrement de la fréquentation ont eu raison de ces destinations touristiques très vingtième siècle. Une pincée de règlementations drastiques par-dessus et la montagne est devenue anxiogène.

Ce n’est pourtant pas toute l’histoire de ces vingt dernières années. Malgré les catastrophes, la montagne s’est inventé un autre avenir. La génération aux manettes a quand même connecté deux neurones et eu un sursaut de lucidité : elle a banni les moteurs à explosion au profit d’ascenseurs valléens et de trains à crémaillère, elle a supprimé les remontées mécaniques quand elles ne servaient plus à rien et surtout, elle a regardé la montagne différemment. C’est sûr qu’on ne monte plus pour une journée, on ne dévale pas trente-cinq pistes dans la journée… On prend son temps, on est sobre, on monte à la force des mollets et c’est tant mieux ! Small is beautiful, less is better. Le tourisme n’est plus le cœur de l’économie, il y a aussi des sources thermales, de l’agriculture, des sociétés délocalisées en travail à distance. La montagne est peuplée différemment, tout autant voir plus qu’il y a vingt ans. La montagne est redevenue le refuge des happy few. Ce n’est pas qu’elle est réservée aux plus aisés, disons qu’elle est accessible à ceux qui ont le temps. C’est cela la nouvelle richesse.

Texte de Guillaume Desmurs pour le Rise Up magazine #007 dédié au centenaire de la marque Millet.
Article paru dans la rubrique « Et après… – Demain, à quoi ressemblera la montagne ? »

Illustrations : Nicolas Thomas

Fake news, fake journalist

Quand j’ai commencé à travailler à l’Agence France Presse (AFP), j’ai dévoré le Manuel de l’Agencier, le mode d’emploi photocopié et relié qui détaillait les règles d’écriture d’une dépêche. Tout y était décrit, de la typographie au processus de vérification d’une information. C’était notre bible. Un condensé de ce qui fait de journaliste un métier.

Ce n’est pas une histoire de diplôme ni de carte de presse. Ce n’est pas un influenceur, ni un blogueur, ni un communicant, ni un concepteur-rédacteur, ni un fabricant de contenu, ni un rédacteur de brochure (même s’il peut à l’occasion endosser ces rôles-là).

En prenant le processus à l’envers, ce Manuel de l’Agencier serait un formidable outil à désamorcer les Fake News, autrement dit, de la propagande, dont ma définition est : une fable avec des morceaux de faits dedans destinée à tromper.

Les Fake News, c’est de la propagande déguisée en journalisme dont elle travestit les méthodes tout en s’en revendiquant.

La détection des Fake News est donc un excellent moyen de comprendre l’utilité des méthodes du journaliste… Le sujet nous concerne au quotidien dans le torrent des réseaux sociaux. Pour notre salubrité intellectuelle, il est bon de revenir aux bases de ce qui constitue le travail de journaliste et de s’en inspirer dans son propre travail de storytelling.

Nebula, pour sortir de la nébuleuse

C’est précisément ce que proposent les malicieux italiens de Sefirot, petite maison d’édition de jeux de cartes permettant de visualiser un processus de construction d’un discours ou d’une histoire. Aussi simple qu’efficace ! Les cartes permettent de déconstruire une structure comme on étalerait les pièces d’un moteur de voiture sur le sol. On comprend mieux la mécanique interne.

Leur dernière production, appelée Nebula, est disponible gratuitement ici (allez-y, faites-vous plaisir) et propose un processus pour déminer, détecter et comprendre les Fake News.

Prendre le temps de lire et de comprendre

Comment ça marche ? Il y a trois séries de cartes. La première nous propose de détecter les 9 symptômes d’une Fake News, symptômes qui doivent allumer les alarmes dans notre tête de lecteur.

Il s’agit d’identifier comment la news nous est parvenue (passivement, c’est-à-dire qu’elle nous a été mise sous les yeux, ou activement, c’est-à-dire que nous l’avons cherchée), quelle est l’émotion générée à la lecture, un excès de détails ou, à l’inverse, un manque… etc.

Vérifier l’information

Une fois les symptômes identifiés, on peut passer à la phase de vérification, c’est la deuxième série de cartes. Elles permettent, utilisée dans un ordre défini, de confirmer ou

infirmer les soupçons levés avec la première série de cartes.
Les symptômes nous ont alerté, cette phase de vérification permet de nous faire un avis.

Identifier la source et ses motivations

La troisième et dernière étape permet d’analyser la Fake News :
Qui est le créateur du message ?
Quel but poursuit-t-il : politique, économique, de notoriété ?

Quelles sont les techniques utilisées pour écrire le message ?
Quel est le médium utilisé pour la propagation du message ?
Et enfin : qui est le récepteur visé par cet article ?

Cultiver un esprit critique

On retient de Nebula quelques conseils de bon sens pour éviter de diffuser par précipitation ou inadvertance une information toxique capable de contaminer un autre cerveau.

Nebula nous aide à mieux écrire, un guide de travail avec comme finalité de nous astreindre à conserver un esprit critique sur ce qu’on nous raconte. Et ça, c’est applicable à toute démarche de storytelling.

On a à apprendre du journalisme, y compris dans le brand content, « une information emballée dans une émotion ».

Texte : Guillaume Desmurs

Images : Nebula, Sefirot.it

Les 6 choses que j’ai apprises en produisant des podcasts

Le podcast, c’est la manie du monde moderne d’inventer des choses alors qu’il s’agit ni plus ni moins que de redécouvrir la radio (que la vidéo n’a pas tuée, n’en déplaise aux Buggles). Et surtout une radio qu’on peut fabriquer et diffuser soi-même (même si on n’est pas stylé comme Christian Slater en 1990). En créant Outdoor Podcast (avec une équipe aux fines oreilles : Nathalie Ecuer, Clothilde Drouet, Jeremy Rassat et Pierre Seydoux), maintenant dans sa deuxième saison, j’ai découvert plusieurs choses…

Le format est incroyablement versatile

De 1 minute à 1 heure, il n’y a pas de règle pour la durée d’un podcast tout comme son genre (interview longue, fiction, documentaire, enquête, chronique, billet d’humeur). Il suffit simplement de trouver la bonne durée adaptée au contenu.

Pour Outdoor Podcast, nous avons choisi le créneau 15-20 minutes, ce qui correspond au trajet domicile-travail et permet d’entrer suffisamment dans le détail d’un sujet sans en demander trop à l’auditeur.

C’est aussi la durée de Mon Bureau C’est La Montagne, pour entrer dans un lieu en laissant le temps l’ambiance sonore s’installer (vous l’entendez le crochet de la chaussure de ski se refermer en couinant ?)

Légèreté, intimité

Il est plus facile d’aborder les interviewés (et de les convaincre de participer) avec un micro. La légèreté du matériel entraîne une légèreté de ton, un dialogue plus naturel et simple. Rapidement le micro s’efface et on peut instaurer un vrai dialogue.

A l’écoute des sons

En interview, l’attention est mobilisée pour capter un détail signifiant (habillement, livre, décoration); relancer au bon moment, déstabiliser pour faire dérailler un discours trop convenu. Dans le cas d’un podcast, il faut imaginer sur place quels sons vont permettre à l’auditeur de se projeter dans la scène, quel bruit va l’aider à se représenter le personnage.

Même le bruit d’une porte peut être utile pour ponctuer dans le récit… et faire simplement comprendre qu’on change de pièce sans avoir à dire « nous changeons de pièce ». La palette sonore est immense et, avec la voix du narrateur/journaliste, sont des fondations solides pour l’imagination de l’auditeur qui, à l’inverse de la vidéo, va devoir mobiliser son imagination pour fabriquer les images.  

Plus propice à la réflexion

Etonnant la quantité d’information qu’il est possible de transmettre dans un épisode d’Outdoor Podcast ! Un article contenant le verbatim exact serait épuisant ! Dans un podcast la voix humaine donne à chaque mot une charge émotionnelle, un rythme particulier, une personnalité facilitant l’écoute attentive.

« Podcasting is uniquely suited to this intimately sharing of oneself. It gives us the ability to literally whisper in people’s ears and tell them our secrets and our truth. That kind of honesty and connection is rare today. It is valuable. And I don’t mean valuable in the simplistic capitalist sense of creating something that can be monetized. I mean it in the “whole is greater than the sum of its parts” sense of value. That kind of personal, honest communication; that kind of connection is a big part of what makes us human. »

La stratégie de diffusion est indispensable

Si les outils de diffusion sont simples d’utilisation, faciles d’accès et gratuits (Soundcloud, Apple, Deezer, Spotify, Youtube), ils doivent être appuyés par une stratégie de diffusion… et idéalement s’intégrer dans une stratégie de communication de marque. Sinon votre podcast restera un fichier sonore abandonné sur un serveur, sans auditeur.

« C’est un contenu exigeant et difficile à produire. Il faut penser l’éditorial et l’artistique mais l’exercice ne s’arrête pas là. La recherche de la performance passe par la construction d’une stratégie globale avec le sens, la diffusion, la communication et naturellement la mesure d’audience analysée et commentée. »

La simplicité cache le boulot

Pour un format comme Outdoor Podcast ou Mon Bureau C’est La Montagne, il faut compter deux à trois journées de recherche, de casting, d’écriture, de prise de rendez-vous, une à deux journées de prises de son sur le terrain, puis encore deux à trois journées de montage, écriture et enregistrement de la voix du narrateur, mixage, musique et effets sonores. Il ne reste plus qu’à mettre en ligne… et déployer la communication sur les réseaux sociaux. 

Ecrire, interviewer et monter pour un podcast est un vrai plaisir favorisant la liberté de ton et la sincérité… tout en devenant un outil de communication puissant dans une stratégie de récit de marque (mais ça, vous l’aviez compris). Il se passe toujours quelque chose quand on appuie sur le bouton rec.

Texte : Guillaume Desmurs

Photos : Nathalie Ecuer et Guillaume Desmurs

7 conseils pour susciter la créativité

Être créatif est devenu une vertu cardinale de notre économie : la condition de la réussite, de l’adaptation permanente et de l’innovation disruptive (osons les grands mots). Pourtant la créativité n’est pas un super-pouvoir, un truc surnaturel dont seuls quelques individus sont dotés. Penchons-nous sur ce qu’est la créativité et comment la faire venir à soi… sans sortilège vaudou à base de sang de poulet.

Qu’est-ce que la créativité ? Est-ce le fait d’avoir beaucoup d’idées ? Des idées originales (et alors que veut dire originalité ?) ? La faculté d’inventer ? L’imagination ? Solutionner un problème le plus élégamment possible ? A ce titre comptable, avocat, menuisier, grimpeur et mathématicien sont des professions créatives (ce que je crois fermement).

La définition que je préfère (ne regardons pas dans le dictionnaire, nous sommes créatifs) est la capacité à connecter des idées qui n’ont, a priori, aucun lien entre elles et de générer, par ce rapprochement incongru, une étincelle. Là commence une histoire !

Dans tous les cas, il y a un ensemble de règles à connaitre et à maitriser pour ensuite jouer avec. Ainsi si l’écriture romanesque ne s’apprend pas pour les Français (elle est un don du ciel, l’inspiration, les muses, tout ça), chez les Anglo-Saxons elle s’enseigne dans des cours de Creative Writing. On peut donc apprendre à être créatif, car la créativité n’est pas inventer à partir de rien (science infuse) mais jouer avec l’existant, réarranger et retourner les idées, faire des essais et des erreurs. Le jeu : voilà au fond ce qu’est la créativité !

Voici donc quelques idées pour être créatif sans se blesser et tenter de rivaliser avec nos maîtres es-créativité : les coiffeurs.

Se demander pourquoi ?

Le pourquoi est au cœur de la créativité, c’est son moteur. J’aime utiliser le si simple et si efficace What/How/Why (© Simon Synek). C’est comme creuser la terre pour trouver le filon : on part de la surface (What), puis on s’enfonce (How) et enfin on tombe sur la pépite : pourquoi ? (Why)
Suivez le maitre : simonsinek.com

Rythme.
Ici un mélange de méthode Personnal Kanban et Pomodoro, où les trois cercles indiquent le nombre de périodes de 25 minutes prévues pour écrire cet article.

La créativité, c’est avant tout une histoire de discipline. Ecrire ce n’est pas attendre le frottement de l’aile des muses tout en mordillant l’arrière-train de son Bic (quoique les cancres sont créatifs aussi). La créativité se déploie dans le cadre rigoureux d’une contrainte. C’est pourquoi Sheila Chandra dans Organizing for creative people recommande de planifier son process créatif. Elle conseil ce petit outil aussi simple qu’efficace : la méthode Pomodoro, qui revient à découper en tranches de 25 minutes ses périodes de travail. C’est le meilleur antidote contre la procrastination.
Toute la méthode ici

Copier.

C’est ce que recommande Austin Kleon dans ce petit best-seller bien inspiré : Steal like an artist. Inspirez-vous des autres, aucune idée n’est originale, à vous ensuite de la digérer, de la transformer et d’en faire une matière première pour votre langage et votre réflexion. Comme votre famille s’organise en un arbre généalogique, il y a une génétique des idées. Nous sommes chacun la somme de nos influences. C’est une richesse de partager les idées des autres !

Temps libre.

On travaille bien avec un timing serré, sous pression, c’est une loi physique régissant l’univers entier, on n’y peut rien. Mais il est essentiel d’avoir du temps libre pour laisser le cerveau tourner en roue libre… et comme par magie il produira la bonne solution. C’est une façon de recharger les batteries de la créativité.

Drogue.

J’ai écrit un article sur le sujet que vous trouverez ici. A consommer avec modération.
Mais attention, comme préviens l’auteur DBC Pierre, « La drogue fonctionne pour la créativité (« the art ») mais pas pour le travail d’écriture (« the craft ») ».

Tirez les cartes.

Le producteur Brian Eno avait conçu ces cartes pour sortir de ses impasses créatives, les Stratégies Obliques.
Les Italiens de Sefirot Edition (dont on reparlera pour le storytelling) ont adapté l’esprit du tarot à ce jeu de cartes aidant à débloquer les situations de crise créatives. Symboliques, les cartes Intuiti aident à voir clair dans vos idées.

Se planter.

La danseuse et chorégraphe Twyla Tharp analyse différents type de ratages dans son livre The Creative Habit : Elle distingue les ratages liés à votre compétence, au concept (l’idée de départ), au discernement (faire les mauvais choix), résistance (ne pas faire confiance à son idée pour aller jusqu’au bout), la répétition (l’éviter pour ne pas s’auto-plagier), le déni (se convaincre que ça va marcher). Elle raconte même comment elle a géré un ratage monumental et en est sorti grandie… La clé ? Se remettre en question, pulvériser sa zone de confort.


Il y a une définition de la créativité que j’ai gardé pour la fin : la capacité à voir le monde différemment.

Par exemple ces athlètes qui nous demandent d’oublier nos habitudes et de voir leur sport avec un autre œil.

On peut regarder un film de ski sonorisé par le bruit du glissement sur l’herbe, pas besoin de musique.
On peut faire du vélo trial sur les toits des maisons, pas besoin de terrain de trial.
On peut voler en parapente au ras du sol et jouer avec le terrain, pas besoin d’aller haut
On peut skier en poudreuse de nuit, pas besoin de soleil.

Comment leurs sont venues ces idées ? Qu’est-ce qui les rend si créatifs ? Ne posons pas la question. Préservons la magie (tiens, un autre synonyme de créativité).

Texte : Guillaume Desmurs

Photo header : Audi

Influenceurs : la fin des illusions ?

L’arrivée des influenceurs, youtubers et autre instagrameurs dans le monde de la promotion de marque a bouleversé les repères et provoqué des réactions épidermiques du style : influenceur = imposteur.
Pourtant, même si les menteurs et les faux chiffres font toujours recette, les clients sont bien mieux éduqués pour identifier les arnaqueurs des influenceurs sincères.

Qu’est-ce qu’un influenceur/une influenceuse ? « La définition un peu basique est : quelqu’un qui a des chiffres d’audience significatifs, c’est à dire un nombre de fans avec un K à côté », estime Mel Carle, digital manager de l’Office du Tourisme des Gets, « or, pour moi, un vrai influenceur, dans le sens positif du terme, est quelqu’un qui inspire et transmet ses valeurs… sans faire la girouette au gré des contrats ». Pour Robin Schmitt, conseiller en communication digitale, « un influenceur a une image négative pour moi. Il n’a rien d’autre à proposer que lui-même dans des endroits paradisiaques. Il communique sur sa vie mais sa vie c’est du vide… à l’inverse d’un artiste, d’un athlète ou d’un humoriste qui apporte une plus-value, un intérêt, de l’inspiration, du boulot ! ».

Où est mon pack de bienvenue ?

Les influenceurs (et influenceuses) se sont taillé leur place à la vitesse de l’expansion arachnéenne des réseaux sociaux dans nos vies. Les médias traditionnels, bousculés, se sont mis en mode survie dans la jungle du web et les journalistes n’ont pas aimé être délogés de leurs voyages de presse à l’hôtel du Lac avec pack de bienvenue et diner au restaurant Alpina. Moi-même journaliste, j’ai vu arriver avec une circonspection teintée de mépris ces passagers clandestins de la communication. Vulgaires, égotistes, vaguement drôles, anecdotiques et méconnaissant l’outdoor dont ils prétendaient tester le matériel et incarner l’esprit.

Savoir démasquer les imposteurs

Et puis les marques sont devenues des médias et, dans la confusion de ce nouveau monde, ont fait une confiance aveugle aux influenceurs pour promouvoir leur image sur la toile. Ces derniers paraissaient détenir les clés du brumeux monde numérique, avec audience (vraie ou inventée) à la clé. Au fil du temps, les usurpateurs ont été débusqués et les chiffres d’audience ont été mieux analysées. Les clients des influenceurs (marques, agences ou destinations) sont désormais bien plus éduqués sur le plan digital. C’est un grand changement que note Mel Carle : « Il y a maintenant une exigence de ceux qui paient ! Pour ma part, je regarde les statistiques, je compare le nombre d’abonnés, les likes et les commentaires. J’analyse pour démasquer les imposteurs. Je préfère faire confiance à des influenceurs aux courbes rassurantes et 20 000 followers, plutôt que ceux qui ont 100 000 fans et des stats qui font le yoyo. Et ceux qui mentent, je ne travaille pas avec eux, ce serait les encourager », estime Mel Carle.

La course à l’attention est si féroce, la production de contenu est si gigantesque, que le critère de choix n’est pas seulement numérique, il est aussi qualitatif. « Les marques ont tout intérêt à utiliser des influenceurs extraordinaires (des athlètes par exemple) que l’influenceuse qui n’est ni journaliste, ni photographe et dont la moindre publication pleine de pathos pique les yeux. Le Salon du Running avait joué cette carte, revendiquant une certaine normalité… ça a été un tollé ! », ajoute Robin Schmitt.

L’ère de la sincérité

Dans cette savane digitale la sincérité est devenue une valeur cardinale. C’est ce que nous rappelle Seth Godin dans son livre All marketers are liars tell stories : « une bonne histoire doit être vraie. Vraie non parce qu’elle est factuellement juste, mais vraie parce qu’elle est cohérente et authentique ». Mel renchérit : « Pour moi, le feeling de sincérité est très important : quel que soit le nombre de followers, l’important est comment ils font passer l’histoire, la sincérité et les valeurs, et si c’est aligné avec la marque ». Robin Schmitt, lui, estime cette valeur absente du modèle économique des influenceurs : « La sincérité des influenceurs n’existe pas puisque leur business est basé sur le narcissime. Il n’y a que les apparences de la sincérité. Elles (l’arnaque a beau être un nom féminin, il s’accorde très bien au masculin aussi, ndla) sont rémunérées par les marques pour des opérations commerciales. Les influenceuses sont donc des panneaux publicitaires, sans fidélité à la marque, vivant le fantasme d’être sponsorisées, flattant avant tout leurs egos ».

« Il y a beaucoup d’influenceurs qui me font bien rigoler, mais il y en a beaucoup aussi qui sont sincères et font bien leur job », tempère Mel Carle. Peut-être bien que les influenceuses (et influenceurs) vont tout simplement se dissoudre dans leur propre médiocrité, retourner à leur jobs dans la comm à Paris. Ne resteront que ceux qui ont des choses à dire pour le plaisir de l’échange, un talent à partager sans contrepartie, des histoires non monétisées, une auto-critique rafraichissante. Et des photos de yoga en maillot de bain sur un paddle au coucher de soleil. Please.

Texte : Guillaume Desmurs

Photos : Insta Repeat

Le storytelling, une mode ?

Comme les mots disruption ou ubérisation, le mot storytelling commence sérieusement à nous lasser. Quand votre banquier ou un homme politique utilise ces mots, vous savez qu’il est déjà trop tard. Alors, la mode du storytelling est-elle en train de passer ? Au contraire. Ne nous fions pas aux mots, qui habillent seulement une idée. Ce que représente le storytelling est indissociable de l’être humain, c’est dans nos gènes. Storytelling, marketing narratif, raconter des histoires… qu’importe la formulation : l’homme est un être narratif et cela ne changera pas.

Les poissons rouges ont un cycle d’attention de trois secondes, les enfants de trois minutes et les services marketing de trois ans. Avec le storytelling, il me semble qu’on s’approche de la fin de cette période, il est sur le point de lasser ceux qui le pratiquent. Pourtant le storytelling n’est pas une mode, c’est le mode de communication privilégié de l’être humain.

La source.

Pour dépasser le mot usé, poncé, vidé de sa substance comme une tomate de supermarché, revenons à la source. Le storytelling regroupe vaguement les techniques narratives permettant d’organiser des informations pour les transmettre. « Nous pensons en histoires. Nous sommes élevés avec des histoires. Les histoires nous aident à définir notre culture, nos valeurs et notre morale », résume Will Storr, un journaliste spécialiste de la question, dans un article pour le magazine Monocle. Les histoires sont « le langage naturel du cerveau humain », insiste-t-il, et « il n’est pas exagéré de dire que si on ne communique pas avec des histoires, on ne communique pas du tout ».

Mais il y a plus que cela, continue Will Storr : tout comme les histoires font partie du paysage mental de l’humanité depuis la préhistoire, elles ont un rôle stratégique dans une entreprise. « Il est vital de communiquer ses valeurs. Nous sommes une espèce étrange, organisée en tribus et les histoires que nous nous racontons communiquent souvent les règles qui maintiennent ces tribus organisées. C’est en partie grâce aux histoires que les membres du groupe apprennent comment se comporter et les valeurs qui les guident. (…) En créant une entreprise, vous créer une tribu dans laquelle vous devez donner envie d’entrer. »

Les mécanismes.

Will Storr développe ces idées dans son livre The science of storytelling, où il identifie les mécanismes psychologiques fondamentaux de l’humain et comment les histoires les sollicitent et les fait réagir : nous avons tous une vision du monde personnelle (et erronée) construite dans notre enfance, quelles stratégies de survie nous mettons en place pour la préservée, les obstacles que nous devons surmonter pour la maintenir intact et comment, finalement, à la fin de l’histoire, nous acceptons la remise en cause de notre vision du monde. Nous sommes changés, et le changement est un autre élément indispensable d’une histoire.

Comprendre le storytelling, c’est comprendre comment l’humain communique et pense. Will Storr fait appel à des études scientifiques pour prouver à quel point cette structure fondamentale de l’histoire est inscrite dans notre ADN. Dans un autre ouvrage illustrant la même idée, Story Genius, l’auteur Lisa Cron s’appuie les mêmes mécanismes pour mettre à jour les éléments essentiels du moteur d’une histoire : besoin et désir travaillant respectivement au niveau conscient et inconscient. Ce sont les organes vitaux du storytelling, correspondant aux structures psychologiques de l’homme : place dans la tribu, peur du déclassement, tension vers un but, nécessité de créer de l’ordre et du sens, se connaitre soi-même.

Alors si le mot storytelling commence à vous ennuyer, changez-en, appelez cela récit de marques par exemple… mais il est vital de continuer à se raconter des histoires.

Texte : Guillaume Desmurs

Technique romanesque et brand content

Devant moi se trouvent deux objets : un roman publié aux Editions Glénat et un petit livre imprimé pour le compte d’une grande marque de ski. Ces deux objets, l’un d’édition et l’autre marketing, sortent de la même plume, la mienne. Comment les techniques d’écriture d’un roman peuvent-elles aider à écrire des récits de marques ? Trois conseils pour fertiliser vos récits de marques.

 
J’avoue qu’en lisant ce titre, je suis pris de sueurs froides. Comment l’écriture d’un roman, par essence débarrassée de toute contingence matérielle, création pure, peut-elle être associée à la création de contenu de marque, acte servile de vulgaire promotion d’une marque dont l’objectif est de vendre ? Tout l’inverse du sacerdoce désintéressé de l’écrivain livrant au monde son regard !
En réalité, la porosité entre ces deux états (écrivain/journaliste) d’une même personne est fréquente. Voire recommandée !
Dans ma pratique quotidienne, quand je pose ma casquette de romancier édité par Glénat pour nouer ma cravate (je plaisante) de créateur de récits de marque pour le studio Murmure, j’utilise certaines méthodes similaires.

En voici trois que vous pouvez tester : la prise de note manuscrite, l’ajout d’un enjeu, l’éducation permanente.

La prise de notes manuscrites.

 
C’est une manie que j’ai de toujours poser les premiers drafts, c’est à dire les premières versions, sur du papier. A la main. Ou avec une machine à écrire. C’est à la fois pour respecter le rythme de l’imaginaire et m’éloigner de l’écran. De plus, le stylo ou l’ancestrale machine à écrire mobilise bien plus le corps que le clavier de l’ordinateur.

Un roman se construit par couches successives, filtrations et ponçage à grains de plus en plus petits. Le texte d’un premier draft sur papier est bien plus malléable que sur écran, où on ne peut pas écrire entre les lignes par exemple, effacer puis ressusciter. Sans cette étape papier, il me manquerait une dimension dans le processus, comme si un architecte devait réfléchir en deux dimensions.

En réunion de travail, je ne sors jamais (ou presque) l’ordinateur. J’exècre cet écran levé entre les participants comme si chacun se cachait derrière sa muraille lumineuse avec la confortable échappatoire des notifications permanentes. Pas de tablettes-gadgets avec stylo non plus. Du papier, un stylo et pas de web. Cela donne un espace bien naturel pour réfléchir, ajouter, barrer, dessiner, et maintenir une conversation active et naturelle entre les interlocuteurs.

Apporter un enjeu.

 
Tout est dans la narration. Un polar (ou n’importe quel roman) doit emmener le lecteur de la première à la dernière page. Pour atteindre cela, vous pouvez allumer toutes les guirlandes possibles, jongler avec la virtuosité de votre style, cela ne suffira pas à entrainer le lecteur avec vous si vous n’avez pas une intrigue, des enjeux pour les personnages et une mécanique de narration.

Le lecteur a besoin de se poser sans cesse cette question : qu’est-ce qui va se passer ensuite ? JE VEUX SAVOIR ! Voilà la quête essentielle qui guide l’écriture d’un roman tout autant qu’un script de vidéo pour une marque, un épisode de webserie ou même une présentation Powerpoint pour une réunion commerciale. C’est le moteur de l’histoire et, comme on le sait tous, le brand content est une affaire d’histoire.

« Read like a writer, write like a reader ».

 
Il faut se dédoubler pour glisser dans la peau du lecteur et s’assurer qu’il va bien comprendre, que les enjeux sont bien posés, que les dialogues sont compréhensibles, que l’intrigue avance, que les dénouements sont clairs. Ce n’est pas toujours facile de prendre du recul et relire avec lucidité. Inversement, il faut lire un livre (regarder un film, écouter un podcast) comme un écrivain en essayant de démonter les rouages de la mécanique.

Je me demande souvent comment, dans telle série (tiens, The Morning Show par exemple), les auteurs parviennent à construire le suspense qui vous laisse haletant, par quelle magie parviennent-ils à vous intéresser à un sujet qui, a priori, vous laisse froid. Comment fabrique-t-il cette émotion ? Comment arrive-t-il à nous faire douter de l’innocence de ce témoin puis à nous convaincre de l’inverse ? Il faut s’en inspirer dans la production de brand content.

La structure d’un scénario de film hollywoodien vous sera bien utile pour structurer votre film de 3 minutes sur la mise au point d’une nouvelle chaussure de ski ? Vous ne me croyez pas ? Essayez.

 
Texte : Guillaume Desmurs

Brand Content, ou comment raconter une histoire qui fait vendre

« Le chat s’allonge sur son coussin ; ce n’est pas une histoire. Le chat s’allonge sur le coussin d’un autre chat ; c’est une histoire » (John Le Carré). Voilà comment on pourrait résumer l’essence du storytelling. Ce mot anglais est devenu un outil crucial dans l’arsenal du marketing. C’est ce que j’ai expliqué à une dizaine d’élèves (des professionnels en formation continue) à l’école Créa de Genève, dans un cours de Digital Brand Content (que je traduis par : raconter des histoires de marques – qui font vendre – sur media digital). Histoires de marque, certes, mais histoires avant tout.

Chacun dans son domaine a besoin de raconter une histoire pour vendre un programme immobilier, un projet de recyclage d’objets vintage, un projet de mission pour une ONG, un festival de film, etc. Il s’agit donc de traduire les valeurs de marque et la stratégie de communication en une histoire efficace, en s’appuyant sur une méthode.

La méthode, justement, est toujours à peu près la même et s’applique à la vidéo, au texte tout autant qu’à la photo. Il faut répondre aux fameuses questions : Qui ? Quoi ? Quand ? Où ? Comment ? (et Pourquoi ?). Elles donnent un cadre pratique et fonctionnel pour guider la construction de l’histoire et la hiérarchisation de l’information. Car raconter une histoire, c’est structurer l’information pour la transmettre de la façon la plus efficace possible, en engageant les émotions du spectateur. Cette structuration répond à une mécanique ancestrale que Joseph Campbell avait identifié dans les étapes des récits des mythes, identiques quels que soient les époques et les lieux. Et c’est cela que nous utilisons aujourd’hui, dans n’importe quelle série télé que vous adorez sur Netflix.

Prenez des films aussi différents que Cars ou Le Parrain, ils respectent à la lettre ce schéma ! On peut même le retrouver, sous une forme atténuée, dans un film de marque que j’ai réalisé (avec mon acolyte de notre agence DD&Fils) pour une marque outdoor : Family Affair.  Les scénarios hollywoodiens sont extrêmement formatés, quasiment à la minute près. En 1h30 ou 2h, pas de temps à perdre. On ne peut pas rajouter des pages comme dans un roman ! L’écriture de scénario est un exercice extrêmement intéressant et formateur. Le but : être percutant ! Voici les trois actes d’une histoire, tirés du livre The 90-Day Novel : 

Un outil efficace pour tester son histoire, pour un scénario comme pour du brand content, est le pitch. C’est à dire : expliquer l’histoire (en répondant aux 5 questions de base indiquées plus haut) et introduire un enjeu qui intrigue et donne envie d’en savoir plus. Si vous n’êtes pas capable de pitcher votre histoire, c’est qu’elle n’est pas aboutie.Le pitch est tellement important que les scénaristes se forment à cet exercice et pondent même leur pitch avant de s’attaquer à l’écriture scénario. J’ai assisté à d’éclairantes sessions de pitching au Festival International des Scénaristes de Valence qui m’ont convaincu de l’intérêt de peaufiner cette étape.

Pour progresser sur la question, je peux vous recommander quelques livres :

Le premier est une excellente introduction. Suivez la méthode, et en 21 jours vous aurez compris les mécaniques secrètes du scénario puisque l’air de rien, vous aurez écrit votre premier script de long métrage ! Sa méthode ? Ecrire avec l’instinct, réécrire avec le cerveau. Il est toujours plus facile de réfléchir sur un premier draft que sur une feuille blanche.

 

Le second livre apporte d’autres éléments de structuration et surtout offre quelques méthodes pratiques (les post-its sur le mur ou les petites cartes punaisées, au choix). Il instille surtout une bonne dose d’humour à ce sujet sérieux.

 

Le troisième concerne le roman mais reprend la structuration d’un scénario. Son originalité est de consacrer le premier mois à travailler l’histoire (les personnages et le déroulé sommaire de l’intrigue) avant de se lancer dans l’écriture de la première version du roman… dont vous savez qu’elle sera forcément mauvaise, mais que cela ne vous  empêche pas d’avancer : la vraie histoire est cachée à l’intérieur, sous les échafaudages. Alors pour ceux qui veulent écrire, écrivez !

 

 

(photo principale : ©Nathalie Ecuer, qui a apporté à la formation son expertise des supports digitaux… et a eu l’idée de cet article de blog)